jeudi 26 février 2009

Sixième étape

La réponse du Créateur fut donc majestueuse : quelques épidémies vinrent s’ajouter aux maladies déjà existantes, la fatalité –puisque les hommes la nommèrent ainsi- multiplia les morts injustes…

Dieu crée la peur (un des premiers et pires maux) et s’en donne à cœur joie.
L’homme continue néanmoins à créer mais découvre la mesquinerie, la jalousie et surtout le besoin irrépressible de dépasser toutes les limites en terme de barbarie, histoire d’avoir une petite vengeance sur l’injustice de la vie. L’homme découvre le vice (espérant secrètement y trouver une once d’immortalité) en même temps que la foi religieuse.
Dieu est satisfait : Sa créature bascule d’un drôle de côté, se rapprochant parfois des quelques rares animaux sauvages qui ne tuent que par plaisir.
Aux épidémies se superposent les guerres multiples, au nom d’un quelconque salut lié à l’origine sociale ou religieuse. Car la religion a vu le jour. Les humains ont choisi paradoxalement un terme signifiant le lien absolu pour illustrer la pire raison de discorde. Chaque contrée colle sur le concept de fatalité un visage divin, reconnaissant ainsi l’existence d’un être supérieur, un « père » (très rarement une « mère ») qui tire les ficelles de la tragédie humaine.

Et Dieu s’amuse à merveille, peut-être pour la première fois de sa vie.

Il trouve particulièrement ludique le fait d’accorder la pire des vies à ceux qui croient le plus en Lui.
Même si l'homme prie pour invoquer Sa miraculeuse intervention, en vue de guérir un enfant malade ou de mettre fin à une guerre sanglante, Il prend un plaisir fou à lui infliger les pires misères, juste pour voir. Il est agréablement surpris de constater que l’homme ne croit que plus à Son Existence : si Dieu châtie ainsi l’être humain, c'est donc qu'Il mérite une adoration et un respect encore plus serviles. L’homme croit ainsi pouvoir sauver son âme. Il y a une certaine forme de comique dans ce comportement.
Ainsi le Tout puissant est satisfait : Sa créature Le dépasse sur certains points, mais Il conserve tel un despote le droit de vie ou de mort sur elle. Mieux encore: l'homme se met à vouloir mourir pour Dieu!
L’harmonie première n’est alors pour les humains qu’un rêve lointain. Ils compensent cette nostalgie d'un âge d'or en fabriquant de toute pièce l’idée du péché originel, dont l’homme et en particulier la femme sont les seuls responsables : si l’être humain est voué à la souffrance, cela ne peut être dû qu'à une erreur de sa part !

De cette manière, la plupart des humains se mit à croire en l’existence de Dieu, non seulement pour trouver une excuse à la mort et à l’angoisse qu’elle génère en chacun, mais encore pour se donner des raisons de sombrer dans une triviale condition d’esclave.
D’inconscient de Dieu, l’homme était devenu inconscient de la supériorité qu’il pouvait avoir sur son créateur.
Satisfait de Sa stratégie et de la tournure que prirent les évènements, le Démiurge décida d’abandonner l’homme, avec la même nonchalance qu’on manifeste lorsqu’on délaisse une personne que l’on n’aime plus -cette sorte de pseudo-remords qui s'apparente finalement à un soulagement.

C’est ainsi que l’homme fut abandonné et voué à sa triste condition, jouant malgré lui une comédie dont le metteur en scène rejeta finalement l’initiative.

2 commentaires:

  1. "avec la même nonchalance qu’on manifeste lorsqu’on délaisse une personne que l’on n’aime plus -cette sorte de pseudo-remords qui s'apparente finalement à un soulagement"
    Ouch ! Au départ ce n'était pas le sujet, mais cette phrase, eues égard les circonstances, a fait tilt dans mon esprit. Bel uppercut ! :)

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  2. Quelle belle écriture et quel beau cannibalisme du divin vous animent. Très lucide, terrien. Dommage, la poésie de la MÈRE, celle que vous semblez désespérément invoquer ne tient même pas dans une ligne. Pourquoi rester sur le jugement alors que le mystère est à votre porte?

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